Ana Hatherly, CinémAction, p. 173
Spring–Summer, 1980
[Excerpt]
Text originally published in French.
Le cinéma expérimental portugais, en tant qu'activité cohérente et organisée, n'existe pas et n'a jamais existé. Mais si l'on veut désigner par le carme "d'expérimental" toute production non-commerciale dont l'objectif serait l'expérimentation artistique à travers le film, soit comme prolongement d'une autre activité, soit comme geste ludique ou forme d'insubordination, soit comme moyen d'enregistrer des événements exceptionnels ("happenings" ou "art-performances") ou encore en tant que moyen pour mettre en scène des scénarios plus ou moins construits mais non conventionnels, alors on peut dire que, dès l'après-guerre, a existé une sorte de cinéma d'expérimentation au Portugal dont les pratiquants étaient presqu'exclusivement, des artistes: peintres, architectes et poètes.
C'est à partir des années 50, à une époque où le surréalisme et le néo-réalisme dominent encore la scène artistique portugaise, qu'on voit apparaître les premières expériences cinématographiques de ce genre, développées pendant les années 60 par des peintres et des poètes expérimentaux et reprises, si on peut dire, au cours des années 70 par tous ceux (surtout les plus jeunes) dont l'activité artistique est presqu'entièrement liée aux mass-médias et à l'audiovisuel.
Ernesto de Sousa
Parmi ceux qui pratiquent ce cinéma marginal et plus ou moins amateur, ressort, par antériorité chronologique, le nom de José Ernesto de Sousa qui, contrairement aux autres, a débuté comme cinéaste professionnel. Sa première occupation a été la critique de cinéma. Il est, pendant les années 50, rédacteur en chef de ta revue Imagem tout en réalisant des films documentaires pour lesquels il reçoit un prix. En 1963 son long métrage, Dom Roberto, se trouve récompensé deux fois à Cannes et les éloges arrivent d'un peu partout, notamment de France, par l'intermédiaire de René Gilson (Les Cahiers du Cinéma) et de Georges Sadoul. Mais Ernesto de Sousa ne poursuit finalement pas une carrière de cinéaste professionnel (conventionnel): il devient une personnalité très connue, surtout à travers son activité d'opérateur et de promoteur du cinéma d'avant-garde. Il réalise dans ce domaine, Happy People et Havia um homem que corria (1967/68), démarches qui le conduisent à réaliser en 1969, Nós não Estamos algures, un "mixed-media" élaboré avec la participation du musicien d'avant-garde Jorge Peixinho. Il produit encore avec ce dernier en 1975 un autre "mixed-media", Luiz Vaz 73, présenté au 5ème Festival de Musique Electronique et Mixed Medias de Gand, puis à Bruxelles et à Lisbonne en 1976. O meu corpo e o teu corpo réalisé en 1976 est présenté successivement en Pologne, en Espagne et au Portugal. II termine actuellement un long métrage en "mixed-media", Almada, nome de guerra commencé en 1969 avec la collaboration, entre autres, de Peixinho.
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