Jean d' Yvoire, Télérama
December 30th, 1962
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Les activités cinématographiques portugaises (très modestes il est vrai) ne traversent généralement pas les frontières. Signalons par parenthèse qu'il existe seulement 300 salles de cinéma dans ce pays dont 35 travaillent de façon régulière.
II faut donc se féliciter du hasard qui a permis récemment à quelques Parisiens de voir en projections privées deux longs métrages portugais [Un Film sur la Passion de Manuel de Oliveira et Dom Roberto d'Ernesto de Sousa], tous deux intéressants, quoique différemment.
DOM ROBERTO d'Ernesto de Sousa
Tel est le nom du guignol portugais. C'est aussi le sobriquet de João, le candide héros du film d'Ernesto de Sousa. Comme Guignol qui chasse ici les fantômes et bat le stupide gendarme, ce réalisateur proche de la quarantaine est un esprit indépendant, ce qui ne facilite pas toujours les choses, dans un pays comme le sien. Critique d'art connu spécialiste notamment de l'art baroque, auteur de courts métrages de haute qualité (NOEL DANS L'ART PORTUGAIS) et animateur de l’intéressante revue de ciné-clubs IMAGEM, Ernesto de Sousa a mis tout son coeur dans ce long métrage tourné l’an dernier en coopération de production avec un modeste budget de 170.000 NF.
S'inspirant d'un pauvre marionnettiste populaire de Lisbonne qu'incarne à l'écran l'acteur de music-hall Raul Solnado, E. de Sousa dépeint les petites gens qui entourent le poétique João et sa compagne Maria. L'ayant sauvée du désespoir, João tente de construire avec elle son bonheur dans un immeuble en démolition. Ils en seront chassés, mais l'espoir ne meurt pas dans le coeur des pauvres, même si le monde des riches les ignore systématiquement.
DOM ROBERTO est un film au rythme lent, qui rappelle un peu Buñuel avec la cruauté en moins. Un ton néo-réaliste, chargé de plus d'émotion que d'humour, sinon dans certains dialogues, s’y applique à des personnages à la fois réels et symboliques et à un récit qui comporte une jolie séquence de rêve amoureux au bord de l'océan. Je crois que sans la sourcilleuse censure, bien des intentions sociales seraient plus explicites et l’oeuvre mieux équilibrée. Mais c'est un bon début, peut-être une hirondelle annonciatrice du printemps portugais.